Une femme ne se réduit pas à sa condition de femme. Naïma est clairement une mère dévouée, une mère aimante, mais elle recèle de secrets. Elle porte en elle les souvenirs d'enfance dans la campagne de Marrakech : la ferme de son père, les images du grand abreuvoir en pierre, le goût du melon sucré et des olives fraichement cueillies. Car c'est au Maroc qu'est née Naïma. La première de la fratrie à ne pas voir le jour dans la maison familiale, mais à l'hôpital. Elle en garde une trace précieuse, dissimulée sous sa frange, du côté gauche de son front. Elle raconte avec douceur le premier geste d'affection de sa propre mère : "À l'époque, les femmes qui venaient d'accoucher étaient séparées de leur bébé. Tous les nouveaux-nés étaient placés dans une même pièce, côte à côte. Ma mère ne voulait pas qu'on se trompe d'enfant, alors à peine née, elle m'a tatouée, comme un grain de beauté sur le visage qui lui permettrait de me reconnaitre. Elle aussi, elle en avait un, au niveau du menton." Une pratique ancestrale qui a marqué le début de son histoire.
Derrière les traditions, la ruralité et la précarité, Naïma grandit dans une famille aimante et ouverte. Elle parle avec tendresse de ses parents, Nasser et Anya, qui font d'elle une jeune fille des temps modernes, aussi courageuse que curieuse. Elle est choisie pour participer à la Marche Verte dans le Sahara, elle porte des jupes, travaille dans un hôtel, elle sort, elle vit.
Un jour, une proposition s'offre à elle : partir avec une famille en Belgique pour devenir jeune fille au pair. Son père hésite, elle insiste. Elle a 19 ans et découvre pour la première fois la Mer du Nord. Un mois après son arrivée, la voilà nounou d'une bébée d'à peine 3 ou 4 jours. Le début d'une longue histoire, blotties l'une contre l'autre, à regarder les poissons nager dans l'aquarium du salon, au son de la BO du "Professionnel" avec Belmondo.
De fil en aiguille, Naïma parvient à acquérir son autonomie. Elle s'installe en coloc en plein coeur de Bruxelles, bosse dur, mais profite énormément de l'ambiance de la capitale. Elle aime danser par dessus tout !
Et puis elle fait une rencontre qui changera la suite de son parcours. C'est celui qu'elle a choisi pour mari, et elle part le présenter à ses parents. Là encore, ouverture et tolérance pour ce "choc" des cultures. De cette relation naîtront deux filles, qui sont aujourd'hui le coeur (et les angoisses naissantes, on ne se refait pas en tant que mère) de Naïma.
Pendant plusieurs années, elle jongle entre ses vies professionnelle et familiale. Mais dans les deux cas, elle fait place au soin, à l'autre. Parce que c'est son plus grand héritage reçu de sa propre mère : la générosité.
Elle est employée dans une maison de repos, puis dans un internat. Elle tisse les liens, approfondit les échanges, apprécie profondément le contact humain, social. Et c'est ainsi qu'elle se retrouve invitée chez Les Ambassadeurs, là où le partage, le respect (et parfois les dysonctionnements familiaux, soyons honnêtes) sont maitres. Elle travaille avec nous, écoute attentivement les mots des jeunes, les récits personnels aussi. Elle redit l'amour qui émane de la communauté, sans jugement. Elle qui a été dans les coulisses de bien des soirées ou des week-ends, s'émerveille de ce qui a été créé, ici.
Aujourd'hui, Naïma doit prendre soin d'elle-même. Mais elle l'assure : elle sera là pour les prochains grands événements, affairée en cuisine ou discutant avec l'un·e et l'autre, prenant des nouvelles.
Merci Naïma, d'avoir été pour nous, ces dernières années, les mains et la mémoire de nos lieux.